publié le 30-08-2024
France ADOT est une association apolitique et totalement laïque. Elle ne prend pas position et n'émet aucun jugement de valeur. Ceci dit, il n'est pas rare que nos interlocuteurs, jeunes ou adultes, nous interrogent lors de nos interventions et conférence ou à l'occasion d'un stand d'information sur la position de telle ou telle religion, de telle ou telle église, quant à la question du don d'organes : interdit, autorisé, voire encouragé ?
Il nous a semblé intéressant d'interroger les autorités religieuses des religions les plus représentées dans notre région, tant pour éclairer nos bénévoles que pour donner des éléments de réponses à notre public. Le premier volet de notre enquête concerne :
LE DON D’ORGANES DANS LE CULTE MUSULMAN
La question nous est posée assez souvent lors de nos interventions et/ou sur nos stands d'information :
un(e) musulman(e) peut-il donner son corps ou des organes de son corps pour une transplantation ?
On peut - pour commencer - rappeler que l’islam fait la promotion d’une véritable culture de la vie : la sourate 5 (verset 32) dit notamment que « Quiconque sauve une vie a sauvé toute l’humanité »
La préservation de la vie fait partie des cinq objectifs supérieurs (la foi, la vie, la filiation, la raison et les biens) établis par les savants musulmans. C’est ainsi que :
La vie de l’être humain est sacrée.
Le corps de l’être humain est inviolable.
Le corps de l’être humain n’est pas une marchandise.
La mort de l’être humain correspond à la séparation de l’âme et du corps. Elle est déclarée lorsque le cerveau s’arrête de fonctionner (mort encéphalique).
La décision d’offrir sans récompense une partie de son corps pour la santé et le bien-être d’une autre personne est un acte religieux et humaniste très louable. Cet acte est considéré comme aumône et incarne une manifestation d’un grand altruisme.
À partir de tous ces principes, les savants musulmans se sont prononcés à la majorité en faveur du don d’organes. Il s’agit notamment :
- du Conseil européen de la fatwa et de la recherche (CEFR), basé en Irlande ;
- de l’Académie du droit musulman (al-Majma’al-fiqhî al-islâmî), basée à La Mecque et affiliée à la Ligue islamique mondiale (Râbita al-’âlam al-islâmî) ;
- du Conseil international de jurisprudence, basé à Jeddah, en Arabie Saoudite, affilié à l’Organisation de la Conférence islamique (OCI), qui regroupe les 53 pays musulmans.
Résumé des décisions et fatwas émises
par les savants musulmans sur le don d’organes :
Si la personne est encore vivante :
• 1er point: Il est permis de prélever un organe d’un corps humain d’une personne vivante et de le greffer dans une autre région du même corps (peau, os...), à condition d’avoir la certitude qu’une telle opération comporte plus d’avantages que d’inconvénients.
• 2e point: Il est permis de prélever un organe du corps d’une personne vivante et de le greffer dans le corps d’une autre personne, si la partie prélevée se renouvelle (régénère naturellement) comme la moelle osseuse ou la peau.
• 3e point: Il est permis d’utiliser une partie d’un organe amputé du corps d’un patient vivant pour cause médicale pour un autre patient comme la greffe de la cornée.
• 4e point: Il est interdit de transférer un organe vital comme le cœur d’une personne vivante au profit d’une autre personne.
• 5e point: Il est interdit de prélever un organe d’une personne vivante, si ce prélèvement peut perturber une fonction essentielle pour sa survie, même si celle-ci n’en dépend pas.
Si la personne vient de mourir :
• 6e point: Il est permis de prélever un organe d’un mort pour le greffer dans le corps d’une personne vivante si sa survie dépend de cette opération ; ou quand celle-ci est nécessaire pour assurer une fonction essentielle de son organisme. Pour ce prélèvement, il faut avoir le consentement du défunt ou de ses héritiers légitimes après sa mort. Il est fait exception des organes et tissus associés au lavage mortuaire (comme la peau par exemple) : leur prélèvement n’est pas permis.
• 7e point: Les permissions données aux prélèvements et à la greffe d’organes - dans les cas susmentionnés – sont valables dans le seul cas où elles sont pratiquées dans un but non lucratif. Les organes doivent être mis gratuitement à la disposition des établissements médicaux car il est strictement interdit de faire le commerce d’organes d’origine humaine.
Concernant la greffe des glandes génitales: Les glandes génitales renferment des cellules germinales souches qui donnent naissance aux ovules et aux spermatozoïdes et sont, de ce fait, porteuses de caractères héréditaires qui se transmettent de pères en fils. Aussi leur transplantation entraîne-t-elle inéluctablement le mélange de filiations. Ce type de greffe n’est pas autorisé en islam.
Testament: Si, de son vivant, une personne a exprimé par écrit (testament) sa volonté de faire don d’un de ses organes après sa mort, ce testament est souverain et doit être exécuté, à condition que ce don soit effectué selon les règles susmentionnées. Les héritiers du défunt n’ont pas le droit d’apporter des modifications à ce testament car la volonté de la personne décédée prime sur celle des proches, sauf si la demande du défunt est en contradiction avec les préceptes de la religion musulmane.
Loi du pays: Si la loi du pays où réside le musulman stipule que l’absence d’inscription constitue une présomption d’accord à un prélèvement d’organes, alors, de son vivant, le musulman peut le cas échéant faire inscrire, dans un registre, son opposition à un prélèvement d’organes sur son corps après décès, sinon il donne son accord implicite.
Le don d’organes ou de tissu, dans le respect des règles de la jurisprudence musulmane, reste un acte volontaire pour lequel le musulman est récompensé.
A des fins d’objectivité et de subtilité, nous jugeons bon de rappeler
que d’autres avis juridiques existent sur cette question.
Ils s’inscrivent dans une perspective de réticence d’un tel acte, considérant que les organes humains consistent en un dépôt que Dieu a accordé à l’humain et dont il est complètement responsable. Il est donc tenu de les préserver entièrement jusqu’à son retour vers Lui.
Nous n’avons pas détaillé cette approche car, d’une part, contrairement à la première elle est moins adoptée par les savants contemporains. Et d’autre part, le donneur est responsable de son choix, il a le droit de refuser le don de ses organes selon ce dernier avis. Il n’y a donc pas lieu à imposer un avis à quiconque ou à craindre une telle confusion.
Cet article est le fruit d’un travail entre la Coordination des Dons d’Organes et de Tissus et l’Aumônerie du Culte Musulman du Centre Hospitalier Annecy Genevois.